La SICA et le développement local
1996
Dans cet article, l’auteur souligne l’intérêt, l’originalité et la modernité de l’outil SICA pour accompagner l’aménagement et l’organisation des territoires ruraux. Contrairement aux outils classiques du développement agricole, la SICA est une structure ouverte à l’ensemble des acteurs ruraux d’où probablement de nouvelles opportunités à rechercher aujourd’hui dans l’appui aux dynamiques de « pays ».
La société d’intérêt collectif agricole a été introduite dans notre droit par la grande Loi du 5 août 1920 qui organisait la société coopérative agricole et la caisse de crédit agricole mutuel. Aux SICA revenait l’équipement rural tel l’électrification rurale, grand projet de l’époque. L’équipement étant un bien collectif territorial, les SICA étaient ouvertes à tous les habitants ruraux, sous réserve que les agriculteurs possèdent la majorité en voix aux assemblées générales.
L’origine de cette grande loi d’organisation rurale se trouve dans l’héroïsme des paysans qui ont supporté le poids principal de la Guerre des tranchées (1914-18). Le « ils ont des droits sur nous » était le signe de la reconnaissance de la Nation, mais il découlait aussi du sentiment que les valeurs rurales ayant permis de tels hommes devaient être sauvegardées en vue du bien commun à venir.
Le souci du législateur était donc de protéger un style de vie si fertile en qualités humaines, que le modèle urbain qui se généralisait pouvait détruire, non par hostilité, mais parce que les critères qu’il génère sont incompatibles avec la spécificité des milieux ruraux.
Par la suite, la modernisation des exploitations agricoles, en agrandissant les surfaces, a poussé à l’exode rural. A un point tel que l’on s’est enfin aperçu qu’agriculteurs et éleveurs, s’ils étaient essentiels à la ruralité, n’en formaient pas la totalité.
Il existe à leurs côtés d’autres catégories sociales qui sont aussi des paysans, c’est-à-dire ceux qui font le pays et participent aux réalités rurales. La raréfaction croissante des agriculteurs et des éleveurs leur redonne une importance relative. Mais il est bien tard. Les concepts urbains juridiques et administratifs ont mis toute leur emprise sur ces acteurs de la ruralité autres qu’agricoles et la cohérence du tissu rural, toutes activités confondues, en est altérée !
Et nos SICA, justement ouvertes à toutes les catégories d’activités rurales, que deviennent-elles dans cette évolution ? Elles ont été totalement éclipsées par la réussite économique de la coopération agricole, par le succès bancaire prodigieux du Crédit Agricole. L’action du crédit et de la coopération agricoles reste certes profitable aux milieux ruraux. Mais en incarnent-ils encore l’esprit selon les critères de la Loi du 5 août 1920 ?
Alors pourquoi ne pas donner à la SICA conçue dès l’origine pour l’équipement rural une vocation particulière pour l’équipement du « pays », tel qu’il est défini par la Loi récente sur l’aménagement du territoire ? En n’oubliant pas bien sûr, que dans la tradition mutualiste, l’organisation d’un tissu social, c’est aussi de l’équipement, puisqu’il s’agit de donner à un milieu de vie les moyens de s’exprimer.