Politiques territoriales et complémentarités des villes et campagnes
1998
Dans cet éditorial, l’auteur rappelle son souhait de voir les acteurs ruraux pleinement acteurs du développement rural et des complémentarités entre villes et campagnes. Une vision peu compatible avec l’approche urbaine de l’aménagement du territoire, qui guide l’évolution des politiques publiques.
Notre pays a bien du mal à retrouver le sens et les bases fondamentales d’une vraie politique d’aménagement de son territoire. Après la récente loi « Pasqua » de 1995 qui avait suscité un large débat sur tout le territoire, le nouveau gouvernement veut aussi sa loi sur « le développement durable du territoire ».
L’axe central des propos de Madame Voynet dans les premiers textes en préparation met l’urbain, la ville, au centre, comme moteur de la gestion du territoire. « C’est par la ville qu’on féconde les espaces ruraux ». Cette orientation de départ doit être revue sur le fond. Les grandes agglomérations sont en panne, les difficultés et les tensions s’y accumulent. Elles ne sont plus forcément la modernité d’hier mais plutôt le repoussoir pour beaucoup. Les grandes villes implosent sous les coups d’une surconcentration anarchique. Certains espaces ruraux souffrent d’anémie, les villes d’obésité. Combien de temps une tête qui ne cesse d’enfler peut-elle survivre à un corps atrophié ? Il faut donc corriger ce qui devient insupportable. Il faut revenir à l’essentiel, aux fondements. Comment réanimer, se réapproprier, irriguer l’ensemble du sol national ? Comment créer les conditions d’une répartition harmonieuse des hommes et des activités sur tout notre territoire ?
Une de nos chances françaises, c’est bien nos espaces, encore ouverts, entretenus et équipés par nos paysans, nos ruraux et nos élus locaux. Ils n’ont pas vocation à devenir des réserves naturelles ! Le débat véritable à ouvrir n’est pas de raisonner à partir de la ville ou de la campagne, d’opposer l’une à l’autre, mais au contraire de mettre en réseau les complémentarités, les richesses qui peuvent fleurir, dans une harmonie nouvelle du rural à la ville, de la ville à la campagne. Comment tous nos terroirs peuvent-ils se féconder, s’enrichir les uns les autres par des rapports fructueux entre ruraux et urbains ?
Pour cela l’engagement des populations locales et le respect de leur champ de responsabilité sont essentiels. Par le développement local territorial on multiplie les initiatives, on responsabilise les bonnes volontés, on dynamise la création d’activités et d’entreprises diverses. Cette démarche ascendante est essentielle ; elle doit être relayée et confortée par une volonté nationale et européenne des pouvoirs publics et des organisations nationales multiples pour favoriser et améliorer ce redéploiement sur l’ensemble du territoire. Pas de développement local durable sans volonté nationale et européenne qui organise les solidarités, donne un sens à cette prise de conscience commune entre « les gens d’en bas » et « les gens d’en haut ». C’est bien cela la démocratie : favoriser et encourager ce jeu complexe d’acteurs qui joignent leurs efforts pour permettre le bien commun général.
Ce numéro de notre lettre vous présente une expérience de terrain qui témoigne, sur un thème d’actualité, l’emploi, de la puissance créative des acteurs locaux dès lors qu’ils se retrouvent et élaborent par eux-mêmes des solutions à leurs problèmes communs.
Nos assises nationales du 24 septembre prochain, annoncées aussi par ces feuilles, permettront une confrontation sur ces thèmes. Plus que jamais la nécessité d’une mobilisation générale pour se réapproprier tout notre territoire s’impose à tous. Ne partons pas dans une mauvaise direction.