« La crise économique actuelle est une pénible réalité ; pour certains nous sommes en train d’en sortir,
pour d’autres le pire est encore à venir. Elle aura, quoi qu’il en soit, marqué une rupture dans notre époque. Les causes de cette crise sont, en effet, diverses, mais « l’éclatement de la bulle financière » qui en fut l’élément déclencheur a démontré, si besoin était, comment un système non encadré ne peut conduire qu’à des impasses, voire à des catastrophes. Fort de ce constat, nombre de responsables politiques à travers le monde prennent, ou se déclarent prêts à prendre, des mesures pour juguler les effets perturbateurs de cette financiarisation toxique. Souhaitons qu’ils y parviennent, mais force est de constater que, si les économies continuent de peiner, les marchés financiers ont déjà, quelques mois après leur effondrement, retrouvé des couleurs et certaines pratiques douteuses.
Nous vivons également, dans le même temps, une autre mutation. Elle concerne les modes de consommation et les modes d’action qui devraient évoluer si l’on souhaite préserver davantage nos ressources naturelles et garantir des équilibres comme la biodiversité. Il y a là aussi l’impérieuse nécessité de reconsidérer nos choix politiques.
Sol & Civilisation s’est créée, il y a près de 20 ans, pour aborder et éclairer à notre échelle ces questions de « civilisation », en considérant que les territoires ruraux, alors bien mal en point, pouvaient nous aider à penser, à voir, à imaginer d’autres équilibres de société. Nous pensons plus que jamais que des territoires vivants, portés par des hommes volontaires et responsables, que des territoires riches de projets peuvent être le ferment de nouveaux modes de développement. Nous restons notamment convaincus que l’urbanisation galopante dans certains états du monde, ou la concentration urbaine, avec ses étalements périurbains dans notre pays, inhumaine dans le premier cas et inefficace dans le second, doit nous conduire à repenser des politiques territoriales plus offensives.
Pour faire vivre nos territoires, il faudra certainement repenser nos modes de gouvernance. Dans nos territoires ruraux où les agriculteurs occupent la majorité de l’espace, ceux-ci devront davantage ouvrir un dialogue permanent avec leur environnement. Leurs façons de produire, leurs méthodes de culture devront être l’objet d’échanges d’explications franches pour être comprises. Par l’espace qu’ils occupent et façonnent, par la production alimentaire qu’ils engendrent, les agriculteurs sont acteurs du territoire, mais ces deux éléments, espace et alimentation, étant devenus « éléments de société », ils ne peuvent se soustraire à une ouverture et à un partage. La connaissance professionnelle, les contraintes économiques ne pourront justifier de rester dans l’agricolo-agricole. De même, l’« espace rêvé », la « nourriture rêvée » des écolos-écologistes ne sauraient être une finalité réaliste.
C’est sur l’ensemble de ces questions que nous avons organisé sur ces derniers mois diverses rencontres et colloques, nos Assises en octobre, en lien avec les Assises de la ruralité, une soirée-débat en Mayenne en novembre, avec le Réseau Rural français un colloque à Toulouse en décembre.
Cette lettre revient sur ces apports diversifiés de réflexions, d’exemples, de réalités vécues. C’est une contribution ouverte pour avancer ensemble. »
Michel Ledru, président de Sol et Civilisation